Passivhaus à la française

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Fordaq JT
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Le bâtiment universitaire R+4 en cours sur le campus de Nanterre (Paris X), signé Atelier Pascal Gontier avec Charpente Houot, est à la fois un manifeste de la construction tertiaire en bois et d'une approche repensée de la performance passive, notamment en termes de ventilation. Compte tenu de l'intérêt majeur de ce projet, le Forum Bois Construction l'a présenté en avril à Nancy et la contribution aux actes du Forum a étayé une visite de chantier organisée conjointement par le CNDB et Francîlbois le 7 mai dernier, sachant que ce bâtiment de 5000 m2 destiné aux bureaux des Sciences Humaines et Sociales doit être livré équipé pour la rentrée universitaire 2015.

L'architecte Pascal Gontier manie avec aisance le bois, et en a fourni les preuves par le passé en s'attaquant notamment à des challenges comme le logement social passif (Gonnesse). Deux traits caractérisent son approche : premièrement, il n'hésite pas à marier quand il le faut les matériaux, Goussainville associant déjà le bois et le métal, par exemple. Deuxièmement, il semble concentrer ses efforts sur une solution technique optimisée et pertinente, faisant preuve d'une grande retenue quant aux effets de façade et aux coûts que cela induit. C'est la conjonction de ces deux particularités qui rend son approche particulièrement intéressante, car il prend aussi des risques en matière de rendu final, qui ne pourra être évalué qu'à la livraison de ce chantier francilien.

Pour la filière bois, le chantier de Nanterre est exemplaire à plus d'un titre. D'abord, c'est un R+4 dont même les cages d'ascenseur et les cages d'escalier, y compris les escaliers, sont en bois ! L'argument est de privilégier la filière sèche, à l'exception du soubassement en béton armé. Notons tout de même les chapes des étages, sur panneaux CLT (de KLH), 70 mm sur laine de roche Domisol LR 3 cm, garant des performances acoustiques et contributeur à l'inertie (recouvert de linoléum). Par ailleurs, Pascal Gontier résout l'équation de ce bâtiment de façon astucieuse : les espaces du rez-de-chaussée sont ouverts, ceux des étages doivent être flexibles, les hauteurs de plancher comprimées. de sorte qu'à l'étage, les planchers n'ont qu'une portée de 5,10 m et s'appuient de part et d'autre du couloir central sur des poteaux qui descendent les charges jusqu'au premier niveau, mais ensuite ? L'architecte opte pour des caissons Kerto-Ripa de 12 m de portée, tandis que la descente de charge centrale est reprise par des HEM 550 qui s'intercalent entre les caissons. Bien joué !

Cas d'école que ce chantier où le contreventement, couramment assuré par des noyaux en béton qui contrecarrent les plannings et font courir le risque de décalages par tassement, se trouvent remplacés par des dispositifs verticaux en CLT. De fait, le chantier de Nanterre est une belle référence pour KLH et sans doute une source d'inspiration pour Binder et Stora Enso qui visent directement le marché tertiaire, sans compter Mathis qui manie régulièrement désormais le CLT sur ce créneau des bureaux en bois (FCBA à Champs sur Marne, Ywood à Marseille ...). A défaut d'un vrai débat à Nancy, la simple juxtaposition des trois chantiers tertiaires récents avec du CLT, dont deux au sein de l'atelier A2 de Nancy, est éloquent (sans compter l'atelier B3 de Nancy dédié au CLT). On pourrait en déduire que le CLT est en passe de s'imposer comme solution structurelle dominante sur ce type de chantiers, dominante, certes, mais pas exclusive, et efficace justement par un judicieux mixage avec le poteau-poutre, le caisson, le métal...

L'intérêt tout particulier de ce chantier vient de ce que Pascal Gontier passe à l'acte à grande échelle en ce qui concerne la ventilation. Le référentiel Passivhaus impose le double flux et à Nancy, d'entrée de jeu, l'architecte Stéphane Cochet de A003 Architectes a lancé son crédo passif qui intègre le plébiscite du double flux et la mise à l'index sans équivoque du simple flux hydro. Pascal Gontier pratique le passif et estime que "les consommations de ventilation mécanique double flux que l'on trouve dans les bâtiments passifs (...) sont habituellement équivalentes, voire supérieures, en énergie primaire, aux consommations de chauffage". Bref, on déshabille Pierre pour habiller Paul. Alors, à Nanterre, Pascal Gontier ose revenir à la case ventilation naturelle, certes assistée et contrôlée (VNAC). Arrivée d'air en partie haute des fenêtres bois-alu filigranes de Bieber, extraction par des gaines verticales (en staff) qui aboutissent à 25 cheminées pourvues d'un dispositif d'assistance mécanique "qui ne fonctionne que lorsque le fonctionnement en naturel n'est plus suffisant pour assurer les débits requis". On est curieux de mesurer la performance de ce dispositif à terme, c'est un laboratoire grandeur nature. Pour ce qui concerne le coût d'installation, Pascal Gontier l'estime équivalent à celui de la solution double flux. Il faut cependant prendre en compte deux paramètres supplémentaires. Premièrement, la maintenance en rapport avec la qualité de l'air, qui semble avantager la solution Gontier. Deuxièmement, l'emprise volumétrique, sachant que l'approche architecturale de ce bâtiment, sans faux-plafond ni faux-plancher, et une portée à l'étage limitée, vise à réduire les épaisseurs de plancher. L'agence était partie sur un plafond en dalle Opportune de CBS-CBT, support de chape, mais au final, Charpentes Houot a proposé une solution associant des panneaux en CLT à des madriers avec un absorbant en laine minérale (plus le Domisol pour la chape flottante). Les panneaux KLH arrivaient d'Autriche et dans les Vosges, Charpente Houot façonnait les éléments finis livrés sur le chantier. Les réseaux se contenteront des interruptions prévues tous les 3,50 m orthogonalement à la façade (cavité de 30 cm de large pour réseaux électriques et luminaires). L'architecte joue la modularité d'espaces reconfigurables en unités de 16, 32, 48 m2 (cloisons sèches en plaques de plâtre sur ossature). Notons que Gontier justifie son approche de façon théorique et que cette question du faux-plafond et faux-plancher turlupine tous les grands architectes contemporains, il cite Rem Koolhaas mais on pourrait convoquer Norman Foster). Chez Gontier, dans la variante bois, les cavités, c'est gâcher l'inertie offerte par la chape béton, donc le recours à la clim', qui profite à son tour des cavités... Chez Foster, le faux-plafond limite l'éclairage naturel, incite à l'éclairage artificiel qui profite du faux-plafond...

Ce n'est pas parce que la filière est sèche et le montage rapide que le chantier n'est pas sujet aux intempéries, fait remarquer Philippe Roux, le patron de Charpente Houot, qui s'interroge sur le bien-fondé du démarrage d'un tel chantier à la Toussaint. Charpente Houot a improvisé des protections provisoires en tôle, d'autant que certains panneaux de CLT étaient traités en surface M1, un traitement qui n'aime pas les averses. Et maintenant que le montage est terminé, et que les façadiers de Lucas Réha prennent le relai, la laine de bois de l'acrotère est à nu, exposée aux intempéries. Les autres étages sont protégés par un voile OSB support de l'ITE à mettre en oeuvre, et l'on quitte un peu la problématique spécifique du bois pour s'interroger sur les modes de protection des isolants de façade avant pose du bardage (heureusement, et justement, on n'est plus à la Toussaint).

Fin 2015, si tout va bien, on aura à Montreuil un R+5 bois passif en logement social et côté ouest, à Nanterre, un tertiaire bois R+4 de type passif. Certes, l'Île de France compte déjà quelques belles références comme le siège de l'INPI à Courbevoie, sans oublier les réalisations de JAP, qui ont ouvert la voie.

 

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