Incertitudes sur les marchés du chêne

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Tensions sur les prix du chêne à merrains

 

Après 4 semaines d’interruption, les ventes ont repris courant avril en forêts publiques. En raison des mesures de confinement, elles se sont toutes déroulées en ligne. « Ces adjudications ne concernaient que des feuillus façonnés à port de camion. Les premières ventes sur pied concernant du BI débuteront le 30 avril prochain en Normandie. Pour le BO, elles commenceront en juin en Bourgogne, Centre et Champagne-Ardenne », précise Aymeric Albert, le directeur commercial de l’ONF.

Pour le hêtre, la saison est terminée et les chaleurs d’avril ont contribué à détériorer encore plus les prix. À moins de 40 euros/m3 bord de route, les vendeurs se demandent maintenant s’il ne faut pas suivre l’exemple des forestiers suisses ou allemands qui n’hésitent pas à orienter une partie de ces produits vers le bois énergie. En fin de campagne, les prix maximum arrivaient péniblement à 60 euros/m3 façonné et à 100-110 euros/m3 chargés dans les containers.

Sur le frêne en qualité secondaire, l’afflux de volume dû à la chalarose et les difficultés à trouver des transports sur le Vietnam ont fait baisser les prix d’au moins 10% depuis fin février, avec des disparités marquées entre les bassins d’approvisionnement et l’éloignement des ports (voir tableau 1). Cependant, les frênes fins (non tâchés par la maladie) peuvent être encore valorisés sur des marchés de proximité (France et pays limitrophes). « Mi-avril en Alsace, nous avons vendu de beaux frênes blancs du Sundgau à 130-150 euros/m3 bord de route », signale Aymeric Albert.

Dans le chêne, les scieurs sont dans l’expectative. Beaucoup de négoces sont fermés depuis le début du confinement et la Chine n’a repris que début mars et avec une pénurie de containers dans les ports européens. Quant au beau temps, il a favorisé les exploitations qui avaient pris du retard au cours de l’hiver. En conséquence, le bois ne manque pas sur les parcs à grumes, et les acheteurs n’ont pas faim de chêne. Ainsi, à la vente de Pouilley-les-Vignes (Doubs), le 15 avril 2020, le syndicat des Feuillus de Franche-Comté a appelé au boycott du catalogue en raison de modalités de paiement proposées par l’ONF jugées non acceptables par les acheteurs.

Pour les scieurs de chêne, la situation n’est pas facile à appréhender. L’absence de visibilité actuelle sur les conditions de la reprise de l’économie impose une grande prudence. À l’exception de la traverse et de la charpente -mais sur de la distribution locale et en marché spot-, les autres produits du chêne souffrent. Les parqueteries tournent au ralenti et les stocks d’avivés-frises –une denrée sujette à la gerce- s’accroissent en cette fin de printemps. En plot, les gros clients industriels deviennent discrets au profit de petits artisans mais sur des commandes aléatoires et en quantités modestes.

Concernant les exportations vers l’Asie, les acheteurs chinois ont sélectionné les fournisseurs et les opérateurs qui travaillent aujourd’hui sont ceux qui possèdent une trésorerie et un volant d’affaires suffisants pour obtenir des containers et les payer deux fois plus cher qu’en début d’année (1). « Pour le moment, la demande est là car les usines ont redémarré en Chine et les livraisons ont pris beaucoup de retard. J’ai renouvelé mes contrats et je charge, mais rien ne dit que cela durera. » Cet exportateur n’écarte pas l’hypothèse que la demande du marché domestique chinois ne soit pas suffisante pour compenser l’arrêt brutal de la consommation en Europe et aux Etats-Unis.

Une autre inquiétude vient du merrain. Au plan structurel, la branche de la tonnellerie s’est concentrée ces dernières années. Certaines acquisitions, réalisées sur endettement, ont été coûteuses et elles pourraient générer des difficultés de trésorerie si les revenus venaient à chuter. Justement, du côté de la demande, les deux principaux marchés mondiaux du vin (USA et Chine) prennent la crise de plein fouet. En Europe, les ventes des vignerons ont été stoppées net, la restauration, l’événementiel et le tourisme présentant un encéphalogramme totalement plat. C’est donc la prudence qui règne chez les tonneliers dont beaucoup ont mis en chômage partiel leurs salariés.

Dans ces conditions, il n’est pas surprenant d’apprendre que depuis le début de l’année, les prix des lots à merrain (avec proportion significative de sciage) ont chuté d’environ 15% aux ventes (et plus dans certaines régions). Cependant,  le haut de gamme en grain fin (de plus en plus rare) reste toujours prisé (voir tableau 2). D’après l’ONF, la baisse des cours du chêne enregistré en avril 2020 affecte surtout les qualités secondaires « dont les prix sont en retrait de 10% à 15% par rapport l’automne 2019 », affirme Aymeric Albert. Toutefois, des acheteurs évoquent une dévalorisation encore plus sensible sur ce type d’assortiments (voir aussi tableau 3).

Pour le court terme, il ne faut pas s’attendre à un regain de dynamisme aux ventes de feuillus avant l’automne. Aujourd’hui, David Chavot formule deux inquiétudes. « Si nos fournisseurs ne s’adaptent pas à la demande en réduisant leur offre, les cours du chêne risquent de dévisser et, d’autre part, une quantité précieuse de bois pourrait partir sur la Chine. » C’est pourquoi le directeur de Margaritelli France milite pour que l’amont et l’aval se rencontrent afin d’ajuster le niveau des mises en marché aux besoins du moment. « Car, termine David Chavot, ni les propriétaires, ni les scieurs n’ont intérêt à une forte dépréciation du chêne. »

(1) le taux de fret pour un container de 40 pieds sur Fos/Dalian est passé de 550 $ début janvier 2020 à 1200 $ fin avril 2020, et de 750-800 $ à 1500 $ sur Le Havre/Dalian

Tableau 1: 

TASSEMENT DES PRIX DU FRÊNE EN FRANCHE-COMTÉ

      Prix moyens en euros/m3 à port de camion

          Ventes publiques de Franche-Comté     

 

4T 2017

4T 2018

4T 2019

2T 2020

Évolution

2019-2020

Évolution

2017-2020

0,8 m3

55

60

67

55

-18%

-

1 m3

65

75

77

60

-22%

-8%

1,2 m3

70

80

85

65

-24%

-7%

1,4 m3

75

85

91

70

-23%

-7%

1,6 m3

85

90

97

80

-17%

-6%

Source : Robert Wood

 

Tableau 2 :

 

 LES COURS DES CHÊNES À MERRAINS DANS LE CENTRE

      Prix en euros/m3 à port de camion

Vente publique de Boigny-sur-Yonne (45) le 07/04/2020 

Volume Unitaire

Prix moyen

0,5 m3

340

1 m3

431

1,5 m3

487

2 m3

526

2,5 m3

556

3 m3

584

RQ :-sur 3 702 m3 présentés, 3 648 m3 ont été vendus

-taux d’invendu en volume = 1,5%

-jusqu’à 13 offres par lot

-l’article le plus cher est revenu à Merrain International au prix moyen de

820 €/m3 (article N°33063, forêt domaniale de Tronçais, 11 offres)

 

Tableau 3:

LES PRIX DES PETITS CHÊNES EN BAISSE DANS L’EST

Prix en euros/m3 à port de camion

        Ventes publiques du Jura     

Volume Unitaire

1 T 2017

1T 2018

1T 2019

1T 2020

(1)

  Évolution 2018-2020

1 m3

116

157

144

90

-43%

1,5 m3

157

203

161

159

-22%

2 m3

186

233

172

208

-11%

2,5 m3

210

259

182

246

-5%

(1)-les prix 1T 2020 résultent de la vente de Lons-le-Saunier (Jura) du 11 mars 2020, soit quelques jours avant le confinement COVID-19.

-à noter que le principal acheteur de chêne à cette vente (30% des volumes et surtout des coupes à plots) à payer en moyenne ses lots 31% plus cher que le 2ème acheteur.

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